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Flash Mood

A se changer en roi,
A hurler à la lune,
A traquer la fortune,
Tout ça pour trainer son poids
[Noir Désir, Comme elle vient <= Les Fatals Picards, Noir(s)]

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Cytheriae (Charlotte Bousquet)

Quand j'ai voulu découvrir de plus près Charlotte Bousquet, vraiment un texte d'elle après son anthologie "Plumes de chats", mon choix s'est vite porté sur Cytheriae, moitié pour sa magnifique couverture par Elvire De Cock, moitié pour son résumé prometteur:



La splendeur de Cribella, capitale lagunaire de Cytheriae, n'est plus qu'un lointain souvenir rongé par l'humidité et la décrépitude. Certains prétendent même que d'effroyables créatures hantent ses canaux nauséabonds... Et voilà qu'aujourd'hui une vague de suicides inexpliqués endeuille le quartier populaire de Métida. Nola, écrivain public, et son amant, Angelo di Larini, sorcier réprouvé de l'Ordre de la Nouvelle Lune, entendent découvrir et combattre les forces à l'œuvre. Leur dernière piste les mène à Malatesta, démon né d'amours contre-nature prisonnier du Dédale. Sera-t-il un allié... ou leur plus implacable ennemi ?



Eh bien ce fut une jolie claque! Je m'attendais à de la fantasy simple mais sympa, je me suis retrouvée dans une cité évoquant fortement une Venise décatie, avec des éléments clairement inspirés de la mythologie (lamias, Minotaure..), et surtout une belle galerie de personnages tous bien campés, ainsi qu'une intrigue de thriller fantastique qui tient son monde en haleine.

Quelques ritournelles font remonter doutes, remords, mauvais souvenirs et mauvaise conscience à la surface des esprits visés, ce qui approfondit cette galerie de portraits très diversifiée, en suivant un fil rouge de symbolismes et d'autoréférences - tout en nourissant l'intrigue de thriller...

Et l'écheveau contient plus d'un fil à démêler: les relations sont complexes, et les dangers multiples dans cette ville où les ghettos sont particulièrement infâmes et les hauts quartiers particulièrement corrompus...

Chaque personnage a son histoire, son passé trouble, ses amours impossibles ou déçues... Le quartier de Métida, celui de la classe moyenne ou du moins de ceux qui ne sont pas encore assez pauvres ou perdus pour rejoindre le ghetto, nous offre une formidable interaction avec tous les personnages ainsi que les tenants et les aboutissants de l'énigme.

L'intérêt de ce roman est aussi dans sa grande variété de styles: extraits de journaux intimes, bribes de poèmes, de pièces de théâtre, coupures et brèves de presse, etc entrecoupent le reste avec un talent confondant. Ca donne des petites parenthèses en même temps que des clés pour mettre en lumière tel ou tel aspect de l'intrigue, et à chaque fois c'est bigrement bien écrit. D'ailleurs, pour renforcer cet aspect original et travaillé, on a une liste des personnages comme pour une pièce de théâtre, entre les citations d'ouverture et le prologue du texte lui-même. Ca retient l'attention dès le départ!

Difficile d'en dire plus sans tomber dans les spoilers, mais ce fut réellement pour moi une agréable surprise, je ne m'attendais pas à une oeuvre aussi riche, complexe et travaillée, et j'ai très envie de continuer à m'intéresser à cette talentueuse auteure!

Et ça tombe bien, c'est le coup de coeur des Imaginales 2011 ^^


(mais c'est déjà à Trolls & Légendes à Mons que je lui avais demandé une petite dédicace)


*

"L'une de mes victimes - l'un de vos damnés - m'a traité de monstre, juste avant que je l'égorge. Je me suis montré brutal. Bestial, comme aux premiers jours. Mais j'avais lu en lui comme dans un crime ouvert, je savais tout ce qu'il avait fait. Vous m'envoyez vos monstres, et moi j'en serais un?
Je lis dans leurs yeux, dans leur coeur, dans la flamme vacillante qui leur tient lieu d'âme ; ils me voient ainsi. Comme une abomination. L'horreur qui les attend au bout du chemin, la chose sans nom, tapie au coeur du labyrinthe, qui guette patiemment.

Or, je me sens bien moins monstrueux qu'eux. Je suis ma nature et ma nature exige que je mange ; ma seule nourriture est l'humanité - une humanité au rebut, pourrie par le meurtre, la perversité. Parfois, c'est vrai, je me repais d'un innocent. Un innocent que votre justice a décidé de châtier.
Qu'est-ce qui fait de vous des hommes? Qu'est-ce qui fait de moi un monstre?
Réfléchissez."
 

Fedeylins, 1: Les Rives du Monde (Nadia Coste)

Ce livre faisait partie de ces buzz qui fleurissent de temps en temps chez les copinautes qui ont un blog de lecture tellement bien que les éditeurs leur envoient des exemplaires de Service Presse, pour qu'ils soient lus et chroniqués sur ces blogs, lesquels organisent parfois ensuite un petit concours pour faire gagner d'autres exemplaires.
Il y a des (nombreuses) fois, on est ainsi très alléché avant même la sortie du livre, et on se mobilise à fond quand les concours arrivent ^^
Pour celui-ci la chance était de mon côté: je l'ai gagné chez Livrement, et même une deuxième fois chez Place to be: je voulais faire l'offrir à Olya en lui faisant la surprise, comme elle avait été aussi tentée et mobilisée que moi, mais comme il s'est perdu en route et que l'éditeur a dû en renvoyer un, je ne l'ai reçu que longtemps après et j'ai décidé de compenser ce contretemps en le faisant dédicacer en même temps que le mien à Mons.

Pour ma part je l'ai dévoré et beaucoup aimé.
Pendant Trolls & Légendes, une copine MdEienne l'a lu en survolant plus ou moins et l'a trouvé très moyen, mais ça n'a en rien entamé mon enthousiasme, et je persiste à penser que ça méritait vraiment d'être édité
(pour la petite histoire, ce texte est passé chez CoCyclics avant de faire son entrée dans le monde)



Comme tous les fedeylins, petits être ailés vivant au bord d'une mare qui constitue leur monde, Cahyl éclot sur un nénuphar. Comme tous les fedeylins, il doit braver la noyade et de dangereux poissons avant d'atteindre le rivage. Comme tous les survivants de cette première épreuve, Cahyl se présente devant les Pères Fondateurs, avide de connaître la caste choisie pour lui et l'avenir tout tracé qui l'attend.
Mais Cahyl est différent: il lui manque la marque qui le lierait à son destin. Son existence même fait trembler les bases de sa société et cela, tout le monde n'est pas prêt à l'accepter.


"Être fedeylins, c'est accepter."


On a donc un monde de fantasy bien typique, une société très organisée et formatée, et un personnage central anti-héros qui est un peu la brebis galeuse du troupeau, sans qu'il soit complètement paria pour autant.

Plutôt classique effectivement, quoique déjà le fait que Cahyl reste intégré tant bien que mal malgré sa différence présente un compromis intéressant et intriguant.

Bien sûr, il se lie d'amitié avec un membre du peuple ennemi des Gluants, des crapauds qui ne pensent qu'à faire la baston ^^ D'ailleurs l'ami Glark est lui aussi la brebis galeuse de son peuple, et j'aime beaucoup la relation des deux amis, leurs échanges... Glark a parfois quelques sorties tranquillement ironiques qui remettent les choses en perspective.

Mais ce qui m'a surtout plu, c'est à quel point la société fedeylin a été creusée et développée. Elle rappelle les régimes totalitaires, l'impact de la religion, le pouvoir de la propagande... Les membres de ce peuple sont archi-conditionnés, et de telle façon que le système élimine de lui-même toute attitude dissidente. L'absence totale de libre arbitre et de remise en question en est même flippante.

Et en même temps, l'organisation de cette société a bien ses avantages: pas de rivalités ni de violence gratuite, chacun a sa place, et tous les aspects de la vie et de la sauvegarde du peuple sont minutieusement et intelligemment pensés.

*

"Non, j'étais obligé de regarder la mort en face, sans agir. Je devais laisser le destin accomplir son oeuvre car si tous les larveyins arrivaient vivants, nous ne serion pas capables de les nourrir, et il faudrait des mois voire des années pour adapter le village afin de tous les abriter. Et l'hiver était si proche... Notre société s'organisait bien et se gérait parfaitement. Pour que cela continue il fallait garder un nombre de naissances constant tous les cinq ans. Trop ou trop peu mettrait en péril le reste de la population.
Accepter."

*

"Le fait de savoir que sa place est la bonne amoindrit tous les problèmes. Une harmonie naturelle se crée au sein des familles et des castes. Si un fedeylin réussit là où un autre a échoué, c'est que son destin en a décidé ainsi. Le fedeylin qui a été surpassé ne ressent que la fierté d'avoir aidé un autre à accomplir une Oeuvre. Nulle envie, nulle jalousie ne vient entacher les relations sociales.
Les femelles accepteront le sort de leurs pontes sans rancoeur contre les Pères. Et si Taranys choisit de le rendre à la terre, le fedeylin s'endormira heureux d'avoir vécu en harmonie avec la nature et la société. Heureux d'avoir rencontré les autres fedeylins et accompli sa destinée."

*

Et avec ça on a une intrigue qui tient en haleine quant aux sorts de nos héros et l'évolution de leurs sociétés, avec tout ce que ça peut entraîner... La fin m'a donné très envie de voir le tome 2 arriver rapidement ^^

J'ai trouvé ça passionnant, et surtout on est complètement plongés dans l'univers, qui n'a rien de particulièrement fantasy mais que l'auteure s'est complètement construit et approprié.

En somme, pour reprendre une réflexion de Lionel Davoust, j'ai trouvé que plutôt qu'exploiter des clichés, Nadia Coste donne son interprétation personnelle des archétypes, retourne aux sources et se les approprie, les développe plutôt qu'elle les copie.

Alors évidemment mon édition d'épreuves non corrigées brochées avant la parution - bien que collector ^^ - m'empêche de juger d'après le véritable texte final et a pu exacerber mon indulgence avec cette sorte de dernier brouillon avant les ultimes finitions.

En fait, sur le fond, le seul défaut que j'ai trouvé c'est qu'on a parfois une confusion quant aux proportions: les fedeylins sont décrits comme des êtres minuscules, un peu comme des fées, mais par moments on a des descriptions et/ou actions qui sont plutôt celles d'individus à taille humaine... C'est assez perturbant.

Il n'en reste pas moins que j'ai vraiment aimé ce bouquin, et je vais suivre Nadia Coste avec intérêt!



 

[BD] Ratafia, 1: Mon nom est Capitaine (Pothier & Salsedo)

A première vue cette BD ne paye pas de mine, mais rien que le nom, Ratafia, me plaisait et m'intriguait.
(et puis il me semble que le libraire qui se cache en avait parlé en bien, même si je vous ressortirai pas le lien parce que j'ai pris un retard monstre dans la lecture de ce chouette blog)



Résumé de Bédétèque.com:

Le Capitaine Charles est furibard ! Il a perdu au poker son bateau - la Kouklamou -, son équipage de pirates, et surtout ses 9 précieuses cartes au trésor.
Celui qui a remporté le pactole est un mystérieux marin qui va réussir à se faire accepter par l’équipage, en leur proposant un marché : il devient le capitaine officiel de la Kouklamou en échange des cartes au trésor !
Faut dire qu’il est bizarre, ce nouveau capitaine : il se fiche éperdument des trésors et passe son temps à lire, chanter, sculpter et peindre le perroquet !
Quoi qu’il en soit, l’équipage, avec à sa tête le bouillant Romuald, accepte le marché. Les voilà donc partis à la chasse aux trésors, sans savoir que le capitaine Charles est à leur poursuite…



Ca commence très fort, avec le nouveau capitaine qui prend ses aises en toute désinvolture sous les yeux ébahis de l'quipage qui se demande qui est cet inconnu qui lève l'ancre en sifflotant sans un regard pour eux...

Et plus ça avancera, plus ça sera décalé et drôle!

C'est un brin parodique, pince-sans-rire, très original, et une belle histoire de pirates qui reprend les clichés du genre en se les réappropriant complètement mais en gardant l'ambiance générale, les stéréotypes...

J'adore!
C'est une très bonne surprise et un énorme coup de coeur
, pour moi



Ca me fait même penser un peu à Pratchett par certains côtés, même si c'est pas comparable, mais les clichés tournés en dérision par le prosaïque, le côté totalement décalé et sûr de lui du capitaine Ratafia, et l'aspect parodique s'en rapprochent indéniablement.

Avec ça, les dessins, s'ils présentent un style assez particulier surtout au niveau des têtes des personnages (il faut accrocher, quoi, moi c'est le cas même si ça fait un peu bizarre), sont chouettes et bien sympas à regarder.


Non, vraiment, cette BD sort de l'ordinaire, c'est intelligent et bien trouvé, en un mot c'est génial!

J'ai hâte de refaire une santé à mes sous-sous pour me les acheter, et je vais voir si je peux pas trouver la suite à emprunter en attendant

 

[BD] Terre d'accueil (Alessandro Tota)

Ca fait un moment que je devais le chroniquer, celui-là, je l'ai même relu entièrement en voulant le feuilleter pour me remettre dedans...



Et bien m'en a pris, car j'en ai ressenti une émotion doublée, j'ai lu avec un autre oeil, par rapport à la première lecture où j'étais restée dans un état d'esprit plus léger.

On suit les traces du Yéti, ni plus ni moins, qui avait quitté les sommets pour s'installer dans la vallée, où la douceur du climat a fait tomber tous ses poils mais où il coulait des jours paisibles. Jusqu'à ce qu'une invasion déchettière le pousse à reprendre son baluchon, et le voilà qui débarque à Paris, grosse masse rose noyée dans la foule, qui ne s'exprime que par "gnu", réduit à vivoter et se faire humilier à faire le ménage dans un centre de télécommunication...

Et puis il fait la connaissance de sa voisine de palier, Caterina, une jeune italienne pétulante, fêtarde, dotée d'un sacré franc-parler...



...ainsi que deux de ses amis, Volker qui vient d'allemagne et Alessandro qui vient d'italie comme elle.
Evidemment, là on ne peut s'empêcher de noter la coïncidence avec le nom de l'auteur, et le fait que Caterina essaie de travailler sur un projet de BD: on devine des éléments autobiographiques, mais entremêlés.
Heureusement, entre nous, parce que le Alé de la BD n'a pas le plus beau rôle ^^

Et donc, petit à petit Yéti s'intègre à cette petite bande et passe de bons moments...



et d'autres moments un peu plus mitigés...



Mais peu à peu sa nouvelle vie se fissure, pour diverses raisons qui en altèrent le sens et le font douter...



...et il va finalement s'éloigner une fois de plus, en forme de parenthèse qui se ferme.

C'est une très belle histoire sur l'immigration, la difficulté de s'intégrer, la barrière de la langue, la solitude, et la société... La vie, même.

Les couleurs et les traits d'un style simple et assez naïfs renforcent les contrastes, le déroulement de la vie avec ses joies et ses moments moins bons, apportant une lumière toute simple, parfois crue. Comme dans la vie, quoi.
 

La perle (John Steinbeck)

C'est par simple curiosité que je me suis intéressée à ce livre dont une lectrice convaincue avait parlé avec une ferveur communicative.
Le nom de l'auteur, Steinbeck, me disait quelque chose, mais ce n'est que maintenant que je fais le rapprochement avec "Des souris et des hommes"...



A défaut de résumé éditeur, le premier paragraphe, introductif:

"Dans la ville, on raconte l'histoire d'une grosse perle - comment elle fut trouvée, puis perdue à nouveau ; l'histoire de Kino, le pêcheur, de sa femme Juana et de leur bébé, Coyotito. Et comme l'histoire a été si souvent racontée, elle est enracinée dans la mémoire de tous. Mais, tels les vieux contes qui demeurent dans le coeur des hommes, on n'y trouve plus que le bon et le mauvais, le noir et le blanc, la grâce et le maléfice - sans aucune nuance intermédiaire. Si cette histoire est une parabole, peut-être chacun en tirera-t-il sa propre morale et y découvrira-t-il le sens de sa propre vie. Quoi qu'il en soit, on raconte dans la ville que..."


Et voilà, on se met à suivre Kino, sa famille et ses voisins, des gens pauvres et simples qui se contentent de peu. Jusqu'au jour où un bébé est piqué par un scorpion et qu'il faut l'aide du médecin cupide et hypocrite.
Les parents, tout entiers à la douleur du danger de voir mourir leur enfant, vont chercher d'autres perles d'huîtres en espérant rapporter assez pour obtenir l'attention et les services de l'homme de science.
Mais ils pêchent bien plus, une perle énorme, la plus grosse jamais vue, une vraie fortune.

A partir de là les ennuis ne font que commencer, et Kino ne sera plus jamais serein ni heureux...

C'est un conte moral, quoi. Avec une belle vision des autochtones réduits à la misère des pays coloniaux, un brin de misogynie, et une illustration complète de l'appât du gain éveillé par la fortune de l'autre, la cupidité, et jusqu'où ça peut aller...

C'est assez intéressant et dans un style qui fait que ça se lit vite, et ma foi cette lecture n'était pas déplaisante. Sans plus, mais pas mal.


     
 

La Quête des Livres-Monde, 2: Le livre des lieux (Carina Rozenfeld)

Comme prévu après la découverte du tome 1 qui m'avait agréablement surprise et bien plu, je viens d'engloutir aussi le deuxième tome de la trilogie de la Quête des Livres-monde, dont le dernier volume est à paraître le mois prochain, si je ne m'abuse.




Zec et Eden sont deux adolescents originaires de Chébérith, une lointaine planète jadis détruite par l'Avaleur de Mondes.
Au cours d'une première aventure, ils ont déjà récupéré le premier Livre-Monde, dans lequel est enregistré une partie de la mémoire de cette planète afin de la recréer un jour. A présent, ils doivent retrouver le second Livre-Monde. Mais un événement inattendu se met en travers de leur chemin. Leur quête s'annonce d'autant plus dangereuse que l'Avaleur de Monde rôde, plus que jamais décidé à achever ce qu'il a commencé : détruire Chébérith et tous ses habitants...



Eh bien ça se confirme: c'est vraiment une bonne série jeunesse, je trouve.

L'intrigue est très bien gérée, on prend plaisir à voir le suspense se renouveler et même quelques fils semés pour la suite.

L'attitude de ces djeun's est toujours aussi authentique, l'usage du portable et d'internet banalisés est très bien exploité sans en faire trop et sans maladresse, et on croise même un geek dans la plus pure tradition au sens premier du terme, le type high tech et hacker en herbe d'autant plus pâlichon qu'il est albinos.

On traverse aussi les émois de l'adolescence, comme on l'avait déjà ébauché dans le tome 1, et ça pourrait très facilement tomber dans le gnangnan mais ça ne le fait pas.
Là aussi on a des personnages avant tout humains, qui ne se fourvoient pas dans les stéréotypes. Pourtant on est bien dans les sentiers battus, l'hésitation entre 2 filles, la première idylle vite désenchantée, la révélation qui nous crevait les yeux depuis des lustres, la brouille à rabibocher, la rivalité à gommer, et l'aventure par-dessus qui change la donne ou plutôt l'accélère: rien que de très classique.

*
"Etait-il normal de n'avoir rien à partager avec sa copine? Non, certainement pas. Lui, il rêvait d'une relation amusante et plein de complicité.
(...)
Zec comprenait parfaitement la jeune fille et il ne lui en voulait pas de ressentir ces besoins, mais il ne voulait pas remplacer le père de Léa. Il trouvait cela malsain et surtout, il voulait être aimé pour ce qu'il était lui. Au moins un petit peu..."
*

Et pourtant ce n'est pas too much, et ça c'est fort.

Bien sûr c'est subjectif et je n'exclue pas la possibilité qu'un autre lecteur ne soit pas de cet avis, mais personnellement la guimauve me fait fuir à toutes jambes et c'est souvent le point noir qui me gêne plus qu'autre chose dans une lecture, surtout de romans jeunesse, alors quand je ne ressens pas cette mièvrerie mielleuse ça me semble bon de le relever ^^


Les héros sont très anti-héros, en somme, et vérifient régulièrement que ce n'est pas d'avoir des ailes et/ou d'avoir le sort d'un monde sur les épaules qui fait de soi un super-héros invincible et que ça a plutôt tendance à sacrément compliquer la vie.

Et tous les détails de crédibilité sont soigneusement étudiés: le fait que les héros soient mineurs et tout ce que ça peut impliquer dans la vraie vie, par exemple. Ou leur attitude avec leur famille à qui ils doivent cacher leurs aventures invraisemblables et pourtant réelles. On a l'impression que l'auteure a pensé à tout, au moindre détail prosaïque qui donnerait un coup à la plausibilité de son histoire, et ça j'aime beaucoup.

Le seul petit doute que je pourrais avoir concerne le fait que dans ce tome, plusieurs personages jusque là "étrangersé se révèlent tout d'un coup déjà dans la confidence.
Jusque là ça reste encore crédible vu les explications qui les justifient, mais c'est pas loin d'être too much et "comme par hasard".

Mais j'ai cru comprendre que par la suite les proches ne seront plus mis à contribution, ce qui là encore est habile pour éviter les écueils.

J'ai donc très hâte de voir sortir le tome 3, et je compte au moins m'acheter le tome 1 pour l'avoir à moi et le faire dédicacer aux Imaginales
Et continuer à explorer cette auteure autant que possible, aussi!

 

L'oeil de Pâques (Jean Teulé)

Le deuxième livre qui a accaparé mes pauses déjeuner ces derniers temps fut un nouveau (- pour moi - tout est relatif) Teulé, parce que vous avez sûrement remarqué que plus ça va, plus je suis adepte de cet auteur, parce que le titre me semblait particulièrement approprié à une lecture d'avril, parce que l'illustration de couverture est tirée d'un tableau que j'aime beaucoup (Ophélie de Jules-Elie Delaunay) bien qu'il m'en rappelle surtout celui de Millais, mais dont la petite retouche ici m'alléchait grandement...




Il s'agit d'un polar qui ressemble à un conte...

L'histoire commence 15 millions d'années avant le crime et se termine 21 jours plus tard
(le temps d'une plaquette contraceptive).
Sept personnages arrivent à Calais. Ils sont sept coquilles brisées. Il leur manque à tous des éléments de bonheur. Mais parce qu'un crime a fleuri sur un crâne, ils vont se rencontrer...
Parmi tous ces gens, il y a Pâques, 23 ans et splendide. Ella a un oeil rose sans irise ni pupille. Sa mère l'a appelée Pâques parce que son oeil ressemble à un petit oeuf intact couché sur son visage.


Eh ben je suis toujours aussi fan de Jean Teulé!

Au début on se demande dans quoi on s'est embarqué tellement ça part dans tous les sens, et pourtant il y a déjà des symétries, des jolis retours de miroirs...

Et très vite on ne cherche même plus à deviner où tout ça va bien pouvoir nous mener, et on se laisse porter par la savante désinvolture du tarabiscoté d'une simplicité limpide et autres oxymores du même tonneau

C'est lyrique autant que parsemé de très prosaïque et direct.
C'est intéressant quand on a quelques références communes aux influences de l'auteur, bien que la plupart du temps la source soit clairement indiquée, mais j'ai l'impression que d'avoir lu d'autres trucs de lui, ça m'aide à mieux tout apprécier maintenant que je le connais un peu et que j'ai une idée de ses mécanismes et de l'état-d'esprit, de son univers.

C'est complètement décalé, incroyable, farfelu, dispersé, et pourtant tellement crédible, tout est plausible, tout se relie, tout est à des années-lumières et si proche, et tout colle.

Je ne sais vraiment pas comment en parler.

Faut s'accrocher, hin. Mais c'est jouissif, jubilatoire. J'accroche totalement, j'adhère, j'adore. C'est une patte qui m'est maintenant familière et qui me transporte à chaque fois.

Deux petits extraits pour la forme, histoire d'en parler un peu mieux que tout ce que je pourrai bafouiller en étant si loin d'être exhaustive ou même de parvenir à résumer l'essentiel...

*

"L'enfant est une petite fille. Une nymphe solitaire. Une ombre voyage sur son corps translucide. C'est l'ombre furtive d'un coléoptère...
(...) Elle est née avec un globe oculaire entièrement rose sans iris ni pupille, un oeil comme on en voit sur les portraits de femmes peints par Modigliani. Cette enfant superbe, c'est de la peinture de musée.
Son oeil droit ressemble à un petit oeuf intact, de chocolat au lait rose, couché sur son visage. A la naissance, quand la mère a vu son enfant, elle l'a tout de suite appelée Pâques!
- Il y en a qui s'appellent Noël, Toussaint, Ange ou Jésus... Aux Antilles, c'est Fête-Nat. Toi, ce sera Pâques..."

*

"Je vais vous raconter comment on receuille la résine de cannabis. J'ai lu ça avant-hier, dans un livre de botanique, en veillant la dépouille de l'Anglaise... lance Amédée, bouche sèche et parapluie par-dessus la tête.
- Il se drogue, le médecine légiste? demande le juge.
- Mh...
- ...Au printemps, les plantes mâles et femelles du chanvre indien fleurissent. A l'intérieur des fleurs mâles apparaît un pollen. A l'intérieur des femelles, une résine collante... Et le vent transporte le pollen des mâles vers la résine des femelles.
- Ces fleurs n'ont pas besoin d'insectes? demande Pâques.
- Mes parents se sont rencontrés sans l'aide de personne... raconte Bondieu.
- Mais, à la floraison, les paysans décapitent les fleurs mâles. Et les femelles, en attente de pollen, sécrètent davantage de résine. Elles mouillent comme les filles qui désirent l'amour...
- Ma mère voulait un garçon... dit Bondieu.
- Plus elles attendent, plus elles mouillent! Alors, régulièrement, les paysans raclent la résine entre les pétales et c'est ça, le cannabis: du besoin d'amour!"
 
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